Un article de Philippe Chevalier, Sarx, détectives de terrain et cyber-enquêteurs
Stéphane est un pilier de l’entreprise CAN-Direct-TEL (nom fictif). Il a 11 ans d’ancienneté au centre d’appel qu’il supervise. Plusieurs clients renouvellent annuellement leur contrat grâce à lui.
Malgré son caractère un peu boys-club macho passé date, son dossier d’employé est élogieux.
Lorsque Julie et Roxanne, récemment embauchées demandent à rencontrer Nathalie, directrice RH et affaires corporatives, l’entreprise ne s’attendait pas à faire face à un possible tsunami.
« Stéphane nous a harcelées, il a dit des choses qui ne se disent pas... genre sexuel, et il a fait des gestes... Pendant la formation premiers secours et soins d’urgence, c’est lui qui nous formait et il a abusé, il a fait des attouchements et des commentaires vraiment déplacés. »
Nathalie a parfaitement conscience que toute plainte est recevable (dans le sens « doit être écoutée »), qu'elle soit légitime ou non c'est une autre affaire, et qu'il faut traiter sans attendre.
Elle sait aussi que ce sont des sujets graves pour toutes les personnes impliquées et aussi pour l’image de l’entreprise. Surtout, elle réalise que les dossiers d’employés créent des biais : Stéphane est bien évalué, mais les deux jeunes recrues du centre d’appel n’ont pas encore 3 mois d’ancienneté. D’ailleurs leur évaluation de fin de période d’essai était tout juste correcte.
Comment traiter le dossier objectivement ?
À l’interne ? Le guide des enquêtes CRHA est très bien fait, mais ne donne pas de techniques d’enquête pratiques.
À l’externe ? Les firmes d’avocats sont bien utiles et même incontournables pour ces enjeux, mais si l’enquête est intégralement menée par un avocat, la facture franchit la barre des 40 000$, alors que l’avocat devrait intervenir seulement pour régler le problème une fois l’enquête terminée.
Les détectives privés pour les milieux corporatifs sont des professionnels des techniques d’enquêtes, autant en entrevues, en interrogatoires et même en cyber-enquête. Ce fut le choix de Nathalie.
Et voici la différence :
L’enquête est menée simultanément sur la personne plaignante et sur la personne mise en cause, car les enquêteurs sont conscients que les dégâts moraux et les drames personnels que peuvent subir une personne faussement accusée sont de la même ampleur que ceux subis par une "vraie victime" (*).
Les enquêteurs savent comment rencontrer en entrevue les plaignants et les personnes mises en cause et créer le bon climat pour recueillir de l’information précise. Surtout, ils savent recueillir de l’information fiable auprès des éventuels témoins. Ils font preuve d’écoute, de respect et d’humanisme, mais aussi de techniques spécifiques de questionnement pour vérifier les affirmations et construire un rapport incontestable.
Et qu’est-il arrivé à Stéphane ?
Devant les enquêteurs, il a reconnu les faits qu’il avait précédemment niés aux responsables RH, même s’il donnait aux faits sa propre interprétation.
Il les a reconnus devant les enquêteurs, après 1h30 de rencontre savamment dosée de questions de validation, questions de curiosités, questions miroirs, questions factuelles, etc… L’important est que les aveux soient apparus sans heurts, sans drames, sans cris.
Stéphane n’est pas resté dans l’entreprise (démission ou congédiement, cela reste confidentiel) et les plaignantes ont fait leurs choix de poursuites judiciaires ou non (ce n’est pas l’objet de cette publication).
L’important vient ici :
Les enquêteurs ont soulevé des points très factuels relatifs au climat de travail :
Des témoins ont déclaré aux enquêteurs :
‘’Quand c’est écrit partout ‘’tolérance 0 au harcèlement’’ et que Stéphane faisait et disait ce qu’il voulait, grâce à sa popularité auprès des clients payants, on a compris que cela finirait mal, cela aurait été moins pire de ne rien afficher, on aurait parlé plus tôt.’’
Nathalie, directrice RH, a mesuré l’écart entre la bonne volonté de l’entreprise (politique claire de lutte contre le harcèlement) et la réalité sur le terrain. Elle a donc fait appel à des spécialistes externes pour sortir du dogme : ‘’ Si je suis conforme à la loi, alors rien de mal ne peut arriver’’.
Les consultants RH qui ont pris la suite des enquêteurs ont fait plus qu’accompagner Direct-TEL (le mot ‘’accompagner’’ est parfois un mot-valise plein de platitudes). Ils ont permis à l’entreprise de transformer le sujet de la lutte au harcèlement en une vraie valeur, réellement incarnée chez CAN-Direct-TEL, qui fut profitable à l’entreprise, car les deux plaignantes s’étant sentie écoutées, se sont davantage impliquées et ont très bien performées.
À retenir :
- Une agence d’enquête agit vite (10 jours rapport inclus) et livre du résultat exploitable juridiquement ou en négociation.
- Plus c’est émotif et complexe et plus les ressources externes sont nécessaires.
- Les enquêtes de harcèlement impliquent une approche spécifique lors des entrevues et parfois des techniques de recueil de preuves par cyberenquêtes, surveillance, observation, infiltration, filature, lorsque nécessaire. Mais dans la majorité des cas des entrevues techniquement bien menées suffisent à établir les faits.
- Et surtout… la conformité légale n’est pas une protection parfaite et suffisante face aux surprises et complexités de la nature humaine.
(*) Les enquêteurs n’utilisent pas les mots victime et accusé dans leurs rapports, ces qualificatifs reviennent à la Justice.